"Pêcheurs de sons" - projet artistique labellisé La mer en commun

Située dans le quartier nord de la gare de Vannes, notre école, Brizeux, accueille 188 élèves répartis en 8 classes, de la toute petite section jusqu’au CM2. Nous travaillons au quotidien avec un public riche par sa diversité, composé d’élèves issus de cultures et de pays différents. L’école accueille régulièrement des enfants allophones ainsi que des enfants du voyage.

Cette diversité culturelle et sociale est une richesse que nous valorisons pleinement à travers les valeurs qui fondent notre projet d’école : la mixité, les principes républicains, la bienveillance, l’inclusion, et l’écoute de l’autre.

C’est dans cet esprit que nous avons souhaité mettre en place ce projet, qui s’inscrit dans notre volonté de réduire les inégalités d’accès à l’art et à la culture. À travers une présence artistique et culturelle forte, nous voulons offrir à chacun de nos élèves une expérience commune, sensible et enrichissante, et participer activement à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle (EAC).

Nous sommes deux enseignantes de cycle 3; Ce projet est destiné à nos 45 élèves de CM1 et CM2.

Ce projet propose aux élèves de concevoir une carte-maquette sonore et artistique du Golfe du Morbihan, en mêlant exploration du territoire, recherche scientifique, écriture poétique et création sonore. À travers une démarche collective, les élèves réaliseront une œuvre immersive et vivante où les sons sous-marins et les récits qu’ils auront eux-mêmes produits deviendront les matériaux d’une partition géographique, à l’aide d’une webcam projetée sur grand écran. Chaque déplacement dans l’espace de la carte déclenchera des sons, des textes enregistrés et des paysages sonores organisés par les élèves.

Cette partition écrite et improvisée sera jouée en direct devant les familles lors de la Journée mondiale de l’Océan (8 juin).

La démarche s’ancre dans la découverte des milieux littoraux et aquatiques du Golfe du Morbihan, avec une sortie pédagogique sur l’estran. Cette sortie permettra aux élèves de pratiquer la pêche à pied en explorant les vasières, les rochers et les laisses de mer. Ils apprendront à identifier les espèces emblématiques du bord de mer et à comprendre leur rôle dans l’équilibre des écosystèmes.

En parallèle, des enregistrements hydrophoniques seront réalisés pour capter les sons sous-marins. Cette double immersion, à la fois terrestre et aquatique, leur offrira une expérience sensorielle et scientifique inédite, révélant des aspects souvent invisibles du vivant. Les enregistrements bruts constitueront la base d’un travail de composition sonore.

Sur le plan artistique, les élèves développeront une écoute active de leur environnement sonore, en particulier du monde marin, et exploreront leur imaginaire à travers l’écriture. Ils rédigeront des courts textes sous forme de haikus inspirés de récits de voyage, de migrations, mais aussi de récits poétiques adressés à la mer, à la nature ou aux poissons, dans l’esprit d’une correspondance à la manière du texte de Karin Serres « À l’attention des poissons ». Ces récits seront mis en voix, enregistrés et viendront nourrir une composition sonore collective.

Grâce à la Musique Assistée par Ordinateur (MAO), les élèves apprendront à manipuler les sons sous-marins et aériens qu’ils auront eux-mêmes collectés à travers une série d’ateliers de prise en main de logiciels.  Ils joueront sur la matière sonore : par exemple, transformer le son éclatant d’une vague aiguë ou d’une vague grave et sourde pour créer des ambiances contrastées, des effets de son plein ou assourdi.

Le manipulateur de la webcam deviendra alors le chef d’orchestre d’une improvisation en temps réel, engageant les élèves dans une dynamique de jeu collectif. Cette configuration mettra en valeur la responsabilisation de chaque enfant, chacun tenant un rôle précis : déclencheur de sons, mixeur, lecteur de textes… y compris la lecture en direct des haïkus lors de la restitution publique. Ils construiront ainsi leurs propres paysages sonores, intégrant aussi bien les sons naturels que leurs productions vocales. 

Une place centrale sera donnée à la cartographie : les élèves apprendront à représenter un territoire de manière sensible, en articulant forme, volume et éléments sonores. La carte, réalisée à grande échelle (minimum 4 mètres par 4 mètres), sera installée au sol et deviendra le support physique de l’ensemble de la création. Tous les éléments présents sur cette carte seront soit collectés dans la nature lors des sorties à la mer  soit fabriqués en classe dans le cadre d’un travail en arts plastiques : maisons, routes, immeubles, bateaux en papier, etc. Une webcam déplacée à la surface de la maquette projettera en temps réel le parcours sur un écran, tandis que les sons seront déclenchés et mixés en direct.

Une trace durable du projet pourra être conservée grâce à l’intégration de QR codes apposés sur la carte a posteriori. Ces codes permettront, via smartphone ou tablette, permettront de visionner le parcours cartographique et la performance scénique comme si l’on y assistait en direct, prolongeant l’expérience dans le temps et l’espace. La maquette sonore deviendra ainsi une œuvre vivante, hybride, interactive et sensible, à la croisée du numérique, du sonore et du poétique.

Les élèves seront également accompagnés par le Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine de Limur, qui interviendra sur trois ateliers autour de la cartographie sensible à travers les notions de carte réelle et carte imaginaire.

Le projet comportera également une rencontre avec Rémi Jacob, pêcheur professionnel installé au port de Port-Anna à Séné. Issu d’une lignée de pêcheurs de génération en génération, il pratique une pêche durable ciblant notamment la morgate et le bouquet. Par son témoignage, les élèves découvriront un savoir-faire ancré dans le temps, une connaissance fine du milieu marin et une adaptation constante face aux transformations environnementales. Cette rencontre viendra ancrer les explorations poétiques et sonores dans la réalité d’un territoire en mutation, offrant aux élèves une vision concrète des enjeux écologiques actuels.

Dans une dynamique de croisement entre art et science, les élèves participeront à des ateliers scientifiques encadrés par Les Petits Débrouillards et Le Parc Naturel Régional du Morbihan. Ils exploreront les impacts du changement climatique, de la montée des eaux, de la pollution plastique ou sonore, et réfléchiront aux moyens d’adaptation des zones côtières. Des expériences telles que le défi “L’eau monte !” permettront de comprendre de manière ludique les mécanismes de l’érosion et de l’aménagement durable du littoral.

Enfin, l’installation dans l’établissement scolaire  de l'expo“Savoirs en mer”, conçue par le Parc naturel régional du Golfe du Morbihan, viendra enrichir le projet. Cette exposition ethnographique valorise les récits de vie des pêcheurs, ostréiculteurs et pêcheurs à pied du territoire. Elle viendra faire écho aux créations des élèves, créant un dialogue entre mémoire vivante, expression artistique et éducation à l’environnement.

Ce projet s’inscrit pleinement dans les objectifs de l’Éducation Artistique et Culturelle. Il permet de croiser les enseignements disciplinaires – musique, sciences, français, arts plastiques, géographie – tout en valorisant la coopération, l’expression personnelle et la créativité collective.

Il engage les élèves dans une réflexion active sur leur environnement, et les place au cœur d’une démarche de création, de compréhension et de transmission sensible de leur territoire.

Nous avons par ailleurs souhaité donner à ce projet une reconnaissance nationale en sollicitant la labellisation La mer en commun auprès du Ministère de la Mer et de la Pêche. Nous avons le plaisir d’annoncer que notre projet vient de recevoir cette labellisation, après avoir été sélectionné par un comité scientifique expert de l’océan, ce qui constituera une belle reconnaissance du travail engagé par les élèves et de la dimension innovante et éducative de cette démarche.